Depuis décembre 2022, Kick, une nouvelle plateforme de streaming tente de se faire une place sur le marché et espère concurrencer le géant Twitch. Avec une meilleure rémunération et une faible modération, Kick semble être le nouvel El Dorado du streaming. Pourtant, la plateforme est déjà sous le coup de nombreuses polémiques. Pour comprendre tous les enjeux de ce nouveau service, Études Créatives revient sur la (jeune) histoire de Kick.
En quoi consiste Kick ?
Un nouveau venu dans le monde du streaming
Kick est une plateforme de streaming qui essaye de réaliser ce que de nombreux autres services de streaming, dont Mixer ou YouTube Gaming, ont essayé avant lui : concurrencer Twitch. Le lancement de cette nouvelle plateforme a eu lieu en décembre 2022, soit seulement deux mois après l’annonce de l’interdiction des jeux d’argent sur Twitch. Drôle de coïncidence lorsque l’on sait que c’est le géant du casino en ligne, Stake, qui se trouve aux commandes de Kick.
Pour attirer le plus d’utilisateurs, Kick s’est énormément inspiré de l’interface de Twitch. Si certains l’accusent de s’être appuyé sur la fuite du code source de la plateforme violette pour pouvoir la recopier, Kick y voit un moyen de ne pas dépayser ses nouveaux utilisateurs. Kick a, tout d’abord, attiré les fans des jeux en ligne et notamment du casino. Stratégie payante pour la plateforme qui a vu pendant longtemps la catégorie désignant le casino être en tête d’affiche alors qu’en temps normal, il s’agit d’une catégorie un peu plus secondaire derrière les jeux vidéo ou les discussions.
Une plateforme beaucoup plus permissive
Depuis mai dernier, Kick voit ses statistiques exploser. Le nombre de nouveaux utilisateurs a augmenté de plus de 400%. Encore une fois, cela coïncide avec de nouvelles règles de modération parues sur Twitch. En effet, l’un des points forts de la nouvelle plateforme verte, c’est son service de modération quasiment inexistant que ce soit sur les propos employés ou les contenus présentés. Kick est très peu regardant sur l’activité des streamers, ils peuvent diffuser et réagir à des émissions (ce qui est appelé du react) sans en avoir les droits.
Même chose pour les jeux vidéo. Certains joueurs avaient eu la chance de recevoir le très attendu Zelda : Tears of theKingdom en avance. Nintendo avait interdit la diffusion en streaming du jeu avant sa sortie officielle. Si Twitch s’était plié aux règles, Kick n’en a eu que faire et beaucoup de joueurs se sont donc tournés vers cette plateforme pour pouvoir diffuser le jeu. C’est une bonne stratégie qui lui a permis d’attirer encore plus d’utilisateurs, mais Kick ne se limite pas seulement à cette faible modération.
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Kick : Les stratégies adoptées pour fonctionner
Pour se faire une place dans ce milieu ultra-concurrentiel, Kick a mis en place une stratégie qui pourrait être qualifiée d’agressive. Elle propose sur un système de rémunération défiant toute concurrence pour ainsi pouvoir attirer un maximum de créateurs vers sa plateforme.
Des revenus plus avantageux
L’un des gros avantages de Kick, c’est la rémunération offerte aux créateurs grâce aux subs, un système d’abonnement des plateformes de streaming permettant de rémunérer les créateurs de contenu. Sur Twitch, l’abonnement coûte 3,99 €. Sur cette somme, Amazon (qui détient Twitch) prélève 50% et laisse le reste aux créateurs. Avant le géant américain se contentait de seulement 30 %, mais à cause de souci de rentabilité, il a dû passer aux 50%. Cette nouvelle politique en matière de rémunération a provoqué le mécontentement de nombreux streamers. Kick a provoqué de cela et propose un service de rémunération défiant toute concurrence. Si Twitch applique le 50/50, Kick lui utilise le 95/5. En clair, sur un abonnement qui coûte 4,99 €, 95% de la somme va au créateur et les 5% restants dans les poches de Kick. Ce système bien plus avantageux est un argument de taille pour la plateforme et de nombreux streamers se sont tournés vers cette dernière dans le but de maximiser leurs bénéfices.
Face à ce nouveau concurrent, Twitch a dû revoir ses plans. En effet, Amazon a déclaré que les abonnements 70/30 feraient leur retour à partir d’octobre prochain, sous certaines conditions. Les utilisateurs qui souhaitent bénéficier de cette nouvelle offre devront avoir eu au moins 350 abonnés sur les trois derniers mois. Avec ce retour en arrière, Twitch espère calmer la colère de ses utilisateurs les plus importants afin qu’ils restent sur la plateforme. En effet, les spectateurs continueront de suivre leurs créateurs favoris peu importe la plateforme sur laquelle ils exercent, Twitch le sait et c’est pour cela qu’il tente de ralentir cette fuite des créateurs.
Le recrutement de gros streamers
Pour se faire connaître, Kick n’hésite pas à investir énormément d’argent sur streamers connus afin qu’ils diffusent sur leur plateforme. Stake a signé un contrat de deux ans avec le créateur xQc d’un montant de 100 millions de dollars. Ce contrat n’est pas exclusif, il lui permet de diffuser du contenu sur plusieurs plateformes. C’est une idée assez intelligente de Kick car Twitch lui applique une politique d’exclusivité stricte, c’est-à-dire qu’un créateur ne peut pas diffuser sur Twitch et sur une autre plateforme en même temps. Ainsi, Kick offre une plus grande liberté de mouvement à ses créateurs. C’est avec cette politique que le service a pu recruter le streamer Ninja. Celui-ci s’était fait connaître à la fin de la dernière décennie en proposant des lives sur Fortnite. Après avoir signé un contrat d’exclusivité avec Mixer, il était revenu sur Twitch après la fermeture de l’ancienne plateforme de Microsoft. Cependant mécontent de sa politique d’exclusivité, il l’a quitté pour justement se tourner vers Kick.
En France, c’est le streamer ChowH1 connu principalement pour ses performances sur Warzone qui s’est tourné vers Kick. Cependant, il ne ferme pas totalement la porte à Twitch. Il contourne sa politique d’exclusivité en diffusant sur la plateforme violette le matin et sur la verte le soir. Avec ses nombreuses arrivées, Stake cherche à déclencher un effet boule de neige. Si les plus gros streamers de Twitch se dirigent vers Kick alors ils devraient être suivis par des créateurs qui ont une plus faible audience et ainsi pouvoir populariser de plus en plus la plateforme.
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Pourquoi Kick fait polémique ?
Ce recrutement massif de streamers s’accompagne d’un bon nombre de polémiques. En effet, Kick ne fait pas attention au passé de ses créateurs. De fait, la plateforme est vue par certains comme un bon moyen de se refaire une image. C’est notamment le cas de Adin Ross, banni de Twitch à cause de propos transphobes ou incitant à la haine. Il s’est reconverti sur Kick où il a pu diffuser en toute tranquillité le Superbowl et même un film pornographique, ce qui témoigne bien de la faible modération de la plateforme. Il a été suivi par Amouranth, elle aussi bannie de Twitch à cause de son contenu que la plateforme considérait à caractère sexuel. En effet, celui-ci repose principalement sur elle en maillot de bain dans son jacuzzi. Uniquement grâce à cela, elle reçoit de nombreux dons ce qui lui permet d’être l’une des plus grosses streameuses sur Twitch tout d’abord, puis sur Kick désormais.
En France, c’est également le même cas de figure. Le créateur Amaru, qui avait disparu des réseaux sociaux après une polémique l’accusant d’avoir eu des comportements inappropriés sur des femmes dont des mineurs, a fait son retour sur Kick et sa chaîne cumule actuellement plus de 150 000 abonnés.
Si cette stratégie permet à Kick d’acquérir une nouvelle communauté, sur le long terme, cela peut clairement porter atteinte à son image. Un bon nombre de streamers ou d’internautes la considèrent comme une plateforme « poubelle » vers laquelle se dirigent toutes les personnes qui ne peuvent plus utiliser Twitch. De fait, beaucoup d’entre eux ne veulent pas voir leur image mêlée à celle de Kick.
Kick : Une menace sérieuse pour Twitch ?
Si l’on se fie aux chiffres de juin 2023, Kick reçoit plus de 130 000 visiteurs journaliers. Pour Twitch, c’est plus de deux millions. Même si ces chiffres sont bien loin des standards monstrueux de Twitch, il ne faut pas oublier que ce dernier ne s’est pas construit en un jour et a su bénéficier du déclin de YouTube pour s’imposer. Si Twitch est aujourd’hui numéro 1, c’est notamment parce qu’aucun concurrent n’a su établir une plateforme capable de rivaliser sérieusement avec celle d’Amazon. Cependant, Kick avec ce format assez similaire peut se frayer une place dans le domaine des plateformes de diffusion.
De plus, Kick continue de mettre en place de nombreux avantages pour attirer le maximum de créateurs. Récemment, la plateforme a révélé qu’elle comptait mettre en place une rémunération mensuelle qui ne se baserait pas sur le soutien des spectateurs via les subs. En clair, chaque créateur recevrait un salaire fixe tous les mois déterminé en fonction du nombre d’heures passées en direct et sur l’affluence moyenne lors des différentes diffusions.
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Les investissements : Une stratégie payante ?
Pour l’instant, Stake investit beaucoup dans sa plateforme afin de pouvoir se faire une place sur le marché du streaming. Cette stratégie est, cependant, à double tranchant. Si Twitch a réussi à s’établir en usant de cette méthode, beaucoup s’y sont cassé les dents. C’est notamment le cas de Mixer, une plateforme de streaming développée par Microsoft. À l’instar de Kick, elle a beaucoup investi en signant des gros noms du streaming. Malheureusement, elle a dû fermer ses portes en 2020 après seulement 4 ans et demi d’existence à cause, en partie du manque d’audience. Actuellement, la stratégie de Kick repose sur le buzz à tout prix. C’est pour cela que la plateforme signe un maximum de têtes d’affiche sans prendre en compte leur passé. Stake sait très bien qu’ils ont toujours une communauté près à les suivre. Cependant, sur le long terme, cette stratégie peut nuire à la plateforme. En effet, si, avec tout l’argent investi, la plateforme ne devient pas vite rentable, elle pourrait connaître le même destin que Mixer avant elle. Attention donc à ne pas se trouver dans une situation qui pourrait être qu’éphémère à l’avenir.
Si Kick n’est toujours pas prêt pour faire de l’ombre à Twitch, avec la stratégie adoptée, elle peut se développer pour être une excellente alternative à la plateforme violette pour les jeunes streamers.
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